Vincent Delerm - La fresque (2025)
La fresque, le nouvel album de Vincent Delerm, est autre chose dont j'ai du mal à saisir. Une galerie sonore où les souvenirs s'encadrent en chansons, où les voix sont des couleurs, les silences des ombres portées. Delerm signe ici une œuvre-monde, une tapisserie intime et collective, un roman-photo pour mes images (d’auditeur conquis), où chaque morceau est un livre à ouvrir, un recueil à écrire, une saison à vivre, un visage dans la foule du passé à revivre.

Dès les premières notes du titre éponyme, quelque chose se met en marche ou plutôt, quelque chose se remet à battre. Vincent Delerm je l'aime de loin, je l'admire en secret, depuis la première heure mais je ne m’enthousiasme jamais quand il revient faire l'actualité. Je m'approche de lui timidement, en restant dans mon coin mais voilà qu’un orgue timide suivit de cette voix finalement familière me projette dans un appartement déconnecté du temps, une plage d'hiver en Normandie, un couloir d'hôtel, un quai déserté. La fresque est un album d’images. Pas celles qu’on prend, mais celles qui restent. Il y a du Modiano dans cette manière qu’a Delerm d’arpenter le souvenir à pas feutrés, d’en faire une topographie musicale. Ce n’est pas de la nostalgie : c’est de la poésie sentimentale où chaque chanson est un polaroïd déterré du cœur.
Ici, tout est dans la nuance. Les orchestrations, comme toujours chez Delerm, sont précises, feutrées, souvent délibérément discrètes, laissant toute la place aux mots. Mais ce qui bouleverse, c’est ce qu’il en fait : un cinéma miniature, une peinture vivante. Lui le photographe, il montre si bien ce que j'aime. Il y a une guitare qui passe comme un souvenir d’enfance, un piano qui semble hésiter, comme s’il se souvenait d’une mélodie oubliée. Et puis, toujours, cette voix : droite et fragile, claire comme un matin d’octobre, bouleversante sans jamais forcer le trait, pudique comme un regard au moment de se quitter. On retrouve dans La fresque les obsessions de Delerm : le temps qui file, les amours qui s’effacent, la beauté des choses mortes mais avec un éclat nouveau, une densité plus grave, comme si l’album était un vitrail traversé par la lumière de l’âge. À l’écoute de titres magnifiques qui me touche et me parle comme Se plaire, Comme si Paris était une fête, Lonesome, J'ai cru seulement que tu aimais les Pyrénées, Si beau, c’est toute une vie qui me regarde dans les yeux et qui défile dans mes oreilles. Je pense à Souchon, à Gainsbourg, à Beaupain, à Truffaut, mais Vincent Delerm est depuis longtemps seul à la hauteur de ce genre singulier qu’il a inventé : la chanson comme récit, la pop comme chambre d’échos, en somme la musique comme art de la persistance. La fresque est comme un cœur exposé aux intempéries et c’est pour ça qu’il est si beau.
Tracklist
01 - La fresque
02 - Plusieurs
03 - Se plaire
04 - Comme si Paris était une fête
05 - Lonesome
06 - La vie la mort l'amour
07 - Koi No Yokan
08 - Louise Ciccone
09 - J'ai cru seulement que tu aimais les Pyrénées
10 - D'autres vies que la tienne
11 - L'armée des ombres fragiles (feat.Mathieu Boogaerts, Albin de La Simone)
12 - Si beau
06 juin 2025
Tôt ou Tard
www.vincent-delerm.com
www.facebook.com/VincentDelermOfficiel
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