Nuit et brouillard - Jean Ferrat Vs Hubert-Félix Thiéfaine
L'une des plus belles, parce que Nuit et brouillard s’impose comme l’une des chansons les plus poignantes et les plus engagées de la chanson française. En choisissant de mettre en musique l’indicible, Jean Ferrat offra en 1963 un hommage bouleversant aux déportés des camps nazis et dénonça avec une rare intensité les silences et l’oubli d’après-guerre.
Le titre fait référence à la directive Nacht und Nebel émise par le régime nazi en 1941, visant à faire disparaître dans le plus grand secret les opposants politiques dans les pays occupés. Une politique de la terreur et de l’effacement que Ferrat évoque avec des mots simples et forts : "Ils étaient vingt et cent, ils étaient des milliers / Nus et maigres, tremblants dans ces wagons plombés…". En quelques vers, le décor est planté : celui des trains de la mort, des camps, de la souffrance humaine à une échelle industrielle.
Mais plus qu’un simple devoir de mémoire, Nuit et Brouillard est aussi une mise en garde contre l’indifférence qui résonne encore de nos jours. Jean Ferrat ne se contente pas de raconter l’horreur passée, il interpelle le présent. "On me dit à présent que ces mots n’ont plus cours / Qu’il vaut mieux ne chanter que des chansons d’amour / Que le sang sèche vite en entrant dans l'histoire / Et qu'il ne sert à rien de prendre une guitare…" Ces vers résonnent comme une gifle à ceux qui veulent tourner la page trop vite, effacer l’histoire ou la diluer dans l’oubli.
Mais plus qu’un simple devoir de mémoire, Nuit et Brouillard est aussi une mise en garde contre l’indifférence qui résonne encore de nos jours. Jean Ferrat ne se contente pas de raconter l’horreur passée, il interpelle le présent. "On me dit à présent que ces mots n’ont plus cours / Qu’il vaut mieux ne chanter que des chansons d’amour / Que le sang sèche vite en entrant dans l'histoire / Et qu'il ne sert à rien de prendre une guitare…" Ces vers résonnent comme une gifle à ceux qui veulent tourner la page trop vite, effacer l’histoire ou la diluer dans l’oubli.

Marqué personnellement par la guerre (son père, juif russe, a été déporté à Auschwitz d’où il ne reviendra pas) Jean Ferrat chante ici avec ses tripes. L’émotion qui traverse sa voix est celle d’un homme blessé, mais debout. À une époque où l’on préférait souvent taire les zones d’ombre de l’Occupation, sa chanson fut censurée sur plusieurs radios. Pourtant, elle toucha profondément le public et devint l’un des emblèmes de la mémoire résistante.
« On ne m’a pas censuré au sens propre, mais on m’a barré les portes. On m’a fait comprendre que cette chanson n’était pas la bienvenue. »
En 1963, la mémoire des camps reste encore largement taboue dans la sphère publique. Le film d’Alain Resnais, Nuit et Brouillard (1956), avait déjà choqué par sa frontalité. Ferrat s’inscrit dans cette même volonté de briser le silence, à une époque où la France commence à peine à regarder son histoire en face, entre refoulement collectif et mémoire résistante idéalisée. Avec le temps, Nuit et Brouillard n’est plus une chanson parmi d’autres : elle est devenue un monument. Un alerte lucide et grave qui refuse que le silence recouvre les cris, les noms, les visages, l'histoire. Une œuvre nécessaire, à la croisée de la poésie et du témoignage, qui nous rappelle que l’art peut et doit parfois réveiller les consciences.
« On ne m’a pas censuré au sens propre, mais on m’a barré les portes. On m’a fait comprendre que cette chanson n’était pas la bienvenue. »
En 1963, la mémoire des camps reste encore largement taboue dans la sphère publique. Le film d’Alain Resnais, Nuit et Brouillard (1956), avait déjà choqué par sa frontalité. Ferrat s’inscrit dans cette même volonté de briser le silence, à une époque où la France commence à peine à regarder son histoire en face, entre refoulement collectif et mémoire résistante idéalisée. Avec le temps, Nuit et Brouillard n’est plus une chanson parmi d’autres : elle est devenue un monument. Un alerte lucide et grave qui refuse que le silence recouvre les cris, les noms, les visages, l'histoire. Une œuvre nécessaire, à la croisée de la poésie et du témoignage, qui nous rappelle que l’art peut et doit parfois réveiller les consciences.
Primo Levi écrivait : « Si comprendre est impossible, connaître est nécessaire. »
Quand Hubert-Félix Thiéfaine s’attaque à ce titre pour l'album hommage (en chronique ici), c’est bien plus qu’une reprise : c’est une transmission, un passage de flambeau entre deux générations de chanteurs engagés, deux poètes amoureux des mots, deux voix singulières qui n’ont jamais craint de marcher à contre-courant. De part son aura, Thiéfaine offre une relecture habitée, tendue, émouvante presque mystique de ce chef-d’œuvre de mémoire.
Dès les premières notes, quelque chose vibre autrement. Là où Ferrat chantait avec une douleur nue et contenue, Thiéfaine creuse dans une matière plus noire, plus rampante, et j'ai, à chaque écoute le ventre qui tremble. Sa voix, à l'apogée de la perfection, voilée, semble surgir d’un tableau mythologique. Elle ne raconte pas, elle invoque. La diction est lente, posée, presque murmurée au début, avant que l’émotion ne monte par vagues, sans jamais tomber dans le pathos. Arrangements plus sombres, nappes électro-acoustiques en tension, comme une brume sonore qui s’épaissit. L’ensemble est sobre, mais chargé d’électricité. On y sent la douleur, l’effroi, la sidération, mais aussi la rage sourde contre l’oubli.
A chaque fois que j'écoute cette version, ça en devient presque une cérémonie. Le texte de Ferrat, inchangé, résonne dans un autre espace, celui de notre monde contemporain qui recommence à flirter avec les spectres du passé. J'ai toujours les sanglots au bord du cœur quand il monte dans l'émotion vers la fin "-Mais qui donc est de taille à pouvoir m'arrêter ? / L'ombre s'est faite humaine, aujourd'hui c'est l'été / Je twisterais les mots s'il fallait les twister / Pour qu'un jour les enfants sachent qui vous étiez..." C’est précisément cette continuité du combat que souligne son interprétation. Il ne s’agit pas d’un Simple hommage, mais d’un acte vivant. Un cri qui passe les décennies pour nous heurter encore.
En reprenant cette chanson, Hubert-Félix Thiéfaine ne prétendra jamais égaler Jean Ferrat, ni à se fondre en lui. Il choisit de lui répondre, à sa manière : nocturne, inquiète, habitée. Comme une lettre venue d’un autre bout de la nuit. Une nuit qui, hélas, n’est pas prête de finir.
A chaque fois que j'écoute cette version, ça en devient presque une cérémonie. Le texte de Ferrat, inchangé, résonne dans un autre espace, celui de notre monde contemporain qui recommence à flirter avec les spectres du passé. J'ai toujours les sanglots au bord du cœur quand il monte dans l'émotion vers la fin "-Mais qui donc est de taille à pouvoir m'arrêter ? / L'ombre s'est faite humaine, aujourd'hui c'est l'été / Je twisterais les mots s'il fallait les twister / Pour qu'un jour les enfants sachent qui vous étiez..." C’est précisément cette continuité du combat que souligne son interprétation. Il ne s’agit pas d’un Simple hommage, mais d’un acte vivant. Un cri qui passe les décennies pour nous heurter encore.
En reprenant cette chanson, Hubert-Félix Thiéfaine ne prétendra jamais égaler Jean Ferrat, ni à se fondre en lui. Il choisit de lui répondre, à sa manière : nocturne, inquiète, habitée. Comme une lettre venue d’un autre bout de la nuit. Une nuit qui, hélas, n’est pas prête de finir.
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