Miossec - Boire

Et de battre mon cœur s'est arrêté le jour où sur mes oreilles, ses lèvres ont murmuré que sur le pont de Recouvrance elle était si belle à voir. Tel fût mon premier émoi pour Miossec. La simplicité brute des arrangements qui laisse place à la puissance des mots du breton. Une poésie qui caresse violemment de sa voix l'âme d'un torturé qui trouve dans les paroles de l'auteur de quoi remettre quelques idées en place sans prendre vraiment de gants, mais sans faire mal non plus. Sans fioritures. Il y a tout juste vingt ans, un ovni musical envahi la planète rock des années 90...
Un album de rupture, la misère d'un mec ivre dans l'urgence et qui va gueuler au bas de l'immeuble de la femme qui vient de le quitter.. Mais rend-toi à l'évidence - Que tout nous sépare - Qu'il ne faut pas me faire confiance - Que je n'ai rien à voir - Merde ! c'est pas de chance - On n'a plus rien à boire. (Recouvrance)


Pas de fioritures non, des coups de guitares sèches lancinants, des lignes de violons érotiques, une trompette par-ci par-là, des mélodies à la fois mélancoliques et enlevées, des textes pleins de beuveries, de cul et de désillusions, des mots torturés, salvateurs au goût de mercurochrome, bref un bel album de jeunesse et dit-on, le plus proche de Miossec, celui qui lui ressemble le plus.

L'enfer c'est l'amour qui fait mal, mais aussi la complexité des rapports quand il faut se réconcilier avec soi-même et ses craintes pour avancer tête haute et jouer de la vie. Voilà ce qu'on trouve en ouvrant la porte d'un univers qui peut paraître répulsif, comme la société et ses cases flanquées d'étiquettes. Miossec secoue le décor pour laisser place à une liberté d’exister, les barreaux ont laissé place à l'horizon, le cœur doit se réveiller et la vie ne sera plus une enclume (Regarde Un Peu La France). La fragilité ici n'est pas faiblesse, Miossec nous rappelle que la reconquête du bonheur est avant tout une quête profonde à affronter les poings ouverts (Que devient ton poing quand tu tends les doigts). Qu'importe le reste. Boire nous ramène à nous égoïstement, mais comment aimer les autres et être aimé correctement quand nous ne sommes pas celui ou celle que nous paraissons.



La SINCÉRITÉ. Ici pas de calcul, l'efficacité ne passe que par l'honnêteté. Nous sommes en 1995, Christophe Miossec ne pousse pas doucement la porte du monde de la musique pour y entrer, il l'explose timidement, bouleverse les codes et se refuse au formatage. L'honnêteté... Oui, c'est elle qui vient cueillir notre oreille jusqu'à la racine du cœur. Alors s'il ne devait rester qu'un album... Serait-ce celui-ci ?

Merci pour les nerfs Christophe, merci pour la joie.

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