Marc Sarrazy / Laurent Rochelle - Chansons pour l'oreille gauche

Encore un album qui me tire vers le jazz, et ce n'est pas pour me déplaire. Portée par le saxophone de Laurent Rochelle, hantée par le piano de Marc Sarrazy, cette embarcation, souvent nocturne, prend des allures de somnolence. 

Pas que ça soit mou, au contraire, mais la musique du duo crée en moi une somnolence qui m'enveloppe dans un état spectateur et admiratif. Spectateur d'un monde imaginaire que je vois défiler dans ma tête au fur et à mesure que les titres s’enchaînent. Voilà tout l'art d'une musique qui raconte ce que l'auditeur s'invente. Complexe mais pas tellement. On embarque ou pas, tout dépend de l'attitude du moment où l'album se glisse dans le lecteur. Après l'altitude fait tout le reste. L'univers des artistes Sarrazy et Rochelle est un mélange entre ceux de Satie et Debuchy, fait de références à Bartók (Bartók à la fenêtre), à Ravel (Maclom Malkovich), à Volodine (Paysage avant pendaison), à Marguerite Duras (L'homme assis dans le couloir), au jazz sud-africain (Voulévoulévouvouzélas)... Chemins multiples pour un projet intéressant. Une fois avoir mis le pied à l'intérieur, impossible de ne pas vouloir comprendre, apprendre, découvrir, s'enrichir. Oui voilà, voilà un disque enrichissant. Riche de toutes ces images que les notes de piano et de saxophone offrent à nos oreilles... C'est ça le jazz pour moi. Un style musical qui va bien au-delà du simple divertissement. Quoiqu'on écoute, c'est un apprentissage permanent. Puis la pochette est très jolie. 
Si les onze premiers titres m'enthousiasme pour le coté musical qui m'emporte dans un monde très personnel, c'est le dernier titre Qui s'en va un peu qui me procure le plus de sensations extravagantes. Bourdonnement de poésies à tout-va, étourdi par une mélodie qui embrasse les paroles d'une Anja Kowalski invitée pour le titre et majestueuse à souhait, je reste le cœur écrasé, brûlant par ce jazz-intimiste. Le violon d'Alexeï Aïgui apporte beaucoup sa pierre à l'édifice. Moment euphorique et convulsif, délicat et élégant, au parfum de l'hiver et de ses espoirs. Car de fil en aiguille, tout tend au printemps, aux premières lumières et à ces beautés à saisir en chemin face au temps qui passe. 


Chansons pour l'oreille gauche s'écoute la nuit, particulièrement. Non pas pour s'endormir, mais pour tendre l'oreille droite et ainsi mieux s'imbiber de toutes les notes qui explosent dans une constellation de mélodies.    

Tracklist
01 -  Paysage avant pendaison
02 - Reflets dans un oeil mort
03 - Voulévoulévouvouzélas
04 - Si tu regardes
05 - Infra-musique #1 : L'homme assis dans le couloir
06 - Funeral blues
07 - Bartók à la fenêtre
08 - Malcom Malkovich
09 - A la frontière du jour
10 - Suspiria
11 - Infra-musique #2 : L'heure où tout se fane
12 - Qui s'en va un peu

23 février 2018
Linoleum Productions

www.marcsarrazy.bandcamp.com
www.laurentrochelle.bandcamp.com

Commentaires

Les articles les plus consultés du moment

Le temps qui reste de Serge Reggiani

Dominic Sonic - Qu'avons-nous fait (2024)

Camille Bénâtre - Dommage (2024)

Les nouveaux clips du moment #3

La pluie qui tombe, de Daniel Darc