Renaud, Chartres 2024

Samedi matin, le jour n'est pas encore levé mais moi, je suis au taquet sur le quai. Narbonne 96, Perpignan 99, Perpignan 2003, Montpellier 2007, Rennes 2017… et ce soir Chartres. J'ai longtemps hésité à cause de ces abrutis d'Internet et puis j'ai craqué en replongeant dans mes classiques. Ça ne s'explique pas, je crois.

Je quitte ma Bretagne à bord d'un TER direction Chartres, le cœur palpitant à l'idée de retrouver Renaud, en concert. Deux changements, Laval puis Le Mans, sac sur l'épaule, casque audio sur les oreilles. L'expédition. Ce voyage, c'est une sorte de bouffée d'air, une parenthèse enchantée qui met des papillons dans le quotidien. Ça ne s'explique pas, ça se vit.

Arrivé en fin de matinée, je traîne dans les rues de Chartres, avec ses ruelles pittoresques, Jean Moulin et sa célèbre cathédrale. La ville inconnue m'accueille dans un froid d'abattoir. Qu'importe, je suis bien, je marche, je change de disque, j'écoute, j'observe, j'attends, je prends mon temps, j'ai tout mon temps, je profite. Je pose enfin mes affaires dans un hôtel trois étoiles sympa, rendant au passage un solennel hommage à mes jeunes années de galère où j'étais tout aussi heureux mais sans carte bleue. Une douche chaude, le soir venu, puis le moment est arrivé de prendre la direction de la très chouette salle de concert du Colisée, l'excitation grandissante.

Hall d'accueil, je récupère une bière, je me dirige vers le gradin. Je m’installe, personne devant, personne sur les deux sièges à ma droite, ni à ma gauche, je vais passer une chouette soirée. La salle n'est pas pleine mais l'attente est palpable parmi les fans, et lorsque les lumières s'éteignent, une belle ovation retentit quand on découvre la silhouette de Renaud derrière le rideau.

La voix n'est plus là, c'est vrai, mais le chanteur si, se tenant debout entouré de “ses cordes”. Je le retrouve tel qu'il est, avec toute sa fragilité et sa sensibilité. Parfois hésitant, parfois maladroit, parfois loin du rythme, il ne trompe pourtant pas son public : il donne tout ce qui lui reste et nous lui envoyons tout l'amour qu'il mérite. Telle est l'adage de la soirée, de cette tournée.

Pour un fan de longue date comme moi, ce concert est bien plus qu'un simple spectacle. C'est un moment privilégié où je convoque les souvenirs, les grandes émotions mélangées à la tristesse du temps qui passe. Renaud, c'est une balise dans ma vie, une voix paternelle, un éclaireur de routes dont les chansons ont rythmé tant de moments importants. Venir le voir sur scène, c'est retrouver ce lien, peut-être intime, avec lui et sa musique, c'est pouvoir lui dire merci à ma manière, lui dire surtout que je l'aime et je m'en fou de comment il est aujourd'hui. Et quand bien même je préfère artistiquement sa jeune période d'avant Boucan d'enfer, je ne pourrais lui cracher dessus comme le font de tristes gens aux esprits si petits. Mais c'est l'époque qui veut ça, la bienveillance est définitivement morte à l'émergence des réseaux sociaux. La plus belle chose que j'ai pu lire sur Facebook est cette phrase qui résume tout : "Ce n'est pas un chanteur que les gens viennent voir, c'est juste Renaud. Mais ça, ils ne le pigeront jamais”, tout simplement.

Internet aurait pu nous rendre plus intelligents mais non. Pour le coup, j'aurais voulu entendre Hexagone, la plus belle chanson qui fait un portrait élogieux de cette population qui me dégoûte, mais ce soir dans la salle, le public conquis chante en chœur d'autres classiques tels que En cloque, Mistral gagnant, Manu, La pêche à la ligne, Morgane de toi, Dès que le vent soufflera (le public se lèvera !). Moi, je m'émeus de Germaine, C'est quand qu'on va où, Les mots, Tant qu'il y aura des ombres… J'ai les yeux qui brillent et la gorge qui brûle quand les musiciennes jouent la Sérénade de Mozart, ou La marche turque, je ne sais plus, mais faut se le dire, elles sont formidables et apportent vraiment énormément à cette tournée, du pep's et du charme en prime. Preuve avec l'excellent Marchand de cailloux. Elles sont géniales ! L'idée est à applaudir. Par contre quand il massacre Quand j'étais chanteur de Michel Delpech, je préfère en rire qu'à m'enfuir. C'est Renaud après tout, on sait où on pose nos oreilles, parfois ça passe, parfois ça casse mais jamais ça m’lasse.

Le concert s'achève au bout de deux heures après une émouvante ballade Nord-irlandaise, et je rejoins mon hôtel pour une nuit douce, pleine de mélodies et de paroles. Le dimanche matin, heureux, je reprends le train pour Rennes, le cœur ailleurs et l'esprit aéré par cette escapade avec et pour Renaud.
Aucun regret, vraiment aucun !


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Commentaires

  1. Un bien joli témoignage, et je comprends votre ressenti . On aime voir l'humain que représente Renaud même si , même si ...j'ai beaucoup de mal avec qu'il est devenu et je m'abstiens de le voir sur scène . La catastrophe était déjà au programme en avril 2017 ou je l’avais vu avec mon ex femme au Spot de Mâcon. Il ouvrait son set avec son tube du moment « Toujours debout “ qui reflétait le contraire de ce que nous avions vu … un naufrage qui s’est aggravé avec les années… hélas …Par contre, je suis touché par votre billet, une belle escapade à Chartres.

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  2. Anonyme26/11/24

    j'ai "emprunté" to récit de chartres pour le mettre sur ma page des CR de la Tournée.
    https://www.renaudmaah.com/Break%20musical%20Chartres.pdf
    Bien sûr Jai indiqua" la source
    SVPat

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