The End of the World
Chantée à l’origine en 1962 par Skeeter Davis dans une veine country-pop, la version de la chanteuse et actrice Julie London l'année suivante, prend une tout autre saveur : celle d’un chagrin nocturne, usé par les années. On n’est plus dans l’abandon adolescent, mais dans le désenchantement adulte. Il n’y a pas de cri ici, juste la douleur nue, retenue.. "Why does the sun go on shining ?" demande-t-elle, comme si l’univers avait manqué un rendez-vous avec sa détresse.
Et tout est là. Ce décalage absurde entre la vie qui continue, implacable, et le cœur qui s’est arrêté. Les mots sont simples, presque naïfs. La musique est si douce et la voix de Julie London, dans son velours mélancolique, transforme les notes en poison lent. Les années passent, la chanson traverse le temps avec cette grâce fanée propre aux chanteuses nées pour apporter de l’élégance à la vie et y insuffler un peu de douceur par leur charme. Je pense aussi à Patsy Cline, à Nancy Sinatra, à Tammy Wynette...

Aujourd'hui le monde va mal, dit-on. Trop bruyant, trop rapide, trop connecté pour qu’on y entende encore le cœur de l'existence battre. Mais il suffit parfois d’un souffle, d’un chant qui danse sur une musique pour que tout ralentisse et qu’on accepte, enfin, que tout s’effondre.
C’est ce que me provoque The End of the World, chantée par Julie London : je n'y vois pas un chagrin d'amour, j'y vois une apocalypse intime, feutrée, presque confortable. Pas celle des médias qui s’affolent ou des tortionnaires de bonheur qui s’excitent, non. Une fin du monde à l’échelle émotionnelle, une fin douce, presque polie. La chanteuse ne s’indigne pas. Elle ne crie pas. Elle constate. Les mélodies dressent un bilan, tristement navrant. D’un ton bas mais chaud, un peu las et pourtant réconfortant.
La chanson, dans sa version originale par Skeeter Davis, était déjà mélancolique. Mais dans cette version, Julie London y ajoute un vernis de désenchantement élégant, comme un châle de velours jeté sur des ronces. Sa voix semble venir d’une autre époque et je m'y réfugie. Non pas pour fuir, mais pour la supporter. Elle me chuchote que c’est normal que ça fasse mal. Que tout passe. Que même les plus beaux amours se fanent. Que même les plus grands empires finissent en poussière. Que même l'humain est capable de créer sa propre perte. Et que malgré tout cela, on peut encore allumer une cigarette sur le rebord du monde qui part en fumée sous nos yeux et profiter des belles sensations qu'apporte la musique.
Écouter ce monde qui s’effondre avec dignité.
Écouter cette voix qui dit : "- oui, tout s’arrête, mais regarde comme c’est beau quand même".
Toutes les plus belles chansons sur Break musical
Commentaires
Enregistrer un commentaire