Hubert-Félix Thiéfaine - Géographie du vide (2021)
Hubert-Félix Thiéfaine m’obsède, c’est un fait.
Le voilà qui revient comme une étincelle, et la petite flamme en moi s'embrase.
En vrai, je ne suis qu’un homme.
Le truc avec Hubert-Félix c’est qu’il revient d'abord avec Page Noire, comme premier extrait. Si t’es un être humain avec un minimum de sensibilité, il capture déjà ton âme.
Avec ses mots, avec son écriture toujours aussi ciselée, empruntée de cette mélancolie sombre qu'il trimbale et déballe depuis plus de quarante ans et puis cette voix plus belle que jamais ! Avec aussi, cette pochette impressionnante à faire rougir d'admiration et de jalousie n'importe quel introverti caché en nous... Si lui peut le faire...
Deuxième extrait. La fin du roman.
Et moi aussi, quand je pense être enfermé derrière un écran, les dés sont jetés.
Et moi aussi, quand je pense être enfermé derrière un écran, les dés sont jetés.
Je lui trouve encore une fois, cette faculté de s’imprimer en moi comme si c’était sa place. Même quand il ne chante pas je l'entends respirer et il m'inspire.
"Dis-moi comment sortir des écrans / S'enfuir du présent / Changer d'océan / Dis-moi comment écrire en chantant / La fin du roman / Heureux dans l'instant / Dis-moi", sur ce chemin, cette autoroute de nuit, je suis cette flèche scarifiée dans mes chairs, depuis avoir reçu l'autorisation de délirer un jour d'été 94, qui me rappelle encore une fois, que je ne suis jamais vraiment tout seul.
Puis Nuits Blanches me déchire. Surtout le refrain. C'est un peu comme un feu d'artifice dans mes oreilles, "Alors dans l'angle mort de mes saisons futures / Je te laisse en partant mon sourire le plus doux / Mes larmes les plus tendres et mes tendres murmures / Juste le temps d'apprendre à redevenir fou".
Dès les premiers minutes où j'ai tenu l'album dans mes mains, les réticences n’ont pas tenues deux secondes, elles n’ont même pas eu le temps de venir en fait, la poésie est une affaire d’affinités et les poètes on les aime pour la vie. Attends, ça fait 7 ans que j'espérais ce moment. C'est long un septennat. Hubert-Félix a fait de moi depuis longtemps, un marin d’eau douce aux gréements qui craquent, une poupée vaudou de coton, un automate. Sans me ménager je plonge direct dans ce bleu-gris criant d'inespoir. «L’inespoir c’est l’absence d’espoir, et par extension l’absence de désespoir. Ça nous donne un no man’s land où on n’a pas à chercher cette illusion, et où l’on est parfaitement lucide.» disait-il à La Voix Du Nord en 2014 en référence au titre de son précédent album. Ce buste de plâtre qui pourrait être la définition visuelle de l'élégance. Ce visage d'un bel homme déployant son univers torturé au grand jour, éclairant de soleil ses ténèbres personnels pour me tirer de mes propres enfers. Avec des messages délivrés de façon limpides aux pistes brouillées pour laisser mon inconscient se fabriquer son propres sens. Artiste !
Sortir des écrans, apprendre à redevenir fou, rester l’idiot qu’on a toujours été, danser pour ne pas oublier, chercher l'amour sous une pluie d'été et ne plus arriver à faire cette grimace qui sert de rires aux imbéciles, tantôt désabusé, tantôt désopilant, Combien de jours encore résonne dans les enceintes. Et je sais qu'il est déjà bientôt demain, je ne suis pas dupe, pourtant je suis encore éveillé à y croire, avec un soupçon d'espoir. Finalement tout n'est pas si noir sur la page.
Je pouvais me demander que pourrait encore m'offrir Hubert-Félix ? Avec son œuvre si conséquente, pouvait-il encore se renouveler et nous surprendre ? Eh bien oui, Géographie du vide, m'emmène toujours dans ces ballades impérissables au bord des précipices, sombres et drapées de passions. Des passions parsemées et mêlées ici et là depuis tellement d'années. Passion amoureuse, passion musicale, passion poétique, avec la beauté d'une certaine vie distillée à petites doses le long des vers...
Donc un dix-huitième opus brillant avec Lucas Thiéfaine aux manettes. Musicalement audacieux, porté par une électro-pop étonnante mais loin d'être déroutante, gommant légèrement au passage la facette blues-rock du Jurassien. C'est surprenant mais je m'en fiche, parce qu'après les spéculations avec la sortie de Stratégie de l'inespoir, suivi de la tournée des quarante ans de carrière dont chaque concert se terminer par un larmoyant mais magnifique Des Adieux, le fou vient de chanter dix-huit fois... Ouf ! Non, ça ne pouvait pas s'arrêter comme ça. La preuve ↑
Tracklist
01 - Du soleil dans ma rue
02 - Page Noire
03 - Fotheringhay
01 - Du soleil dans ma rue
02 - Page Noire
03 - Fotheringhay
04 - La fin du roman
05 - Nuits blanches
06 - Prière pour Ba'al Azabab
07 - Eux
08 - Reykjavik
09 - Vers la folie
10 - L'idiot qu'on a toujours été
11 - Combien de jours encore
12 - Elle danse
08 octobre 2021
Sony Music
Commentaires
Enregistrer un commentaire