Les VRP
Il ne faudrait pas plus de trois albums aux VRP pour devenir un groupe phénoménal. Mondialement connu ? Ben non, mais assurément un phare dans la nuit pour des centaines de groupes français. A l’instar des Bérurier Noir ou de la Mano Negra par exemple, ces groupes qui étaient des brasseurs d'envies et des modèles à l'époque pour toute une génération.
Un premier disque à la pochette sombre Remords et tristes pets déboule en 1989, le groupe poursuit sa lancée musicale humoristique avec Retire les nains de tes poches en 1990, avant de s'offrir des Vacances prolongées en 1992. Une parenthèse de quatre ans pour ce groupe de joyeux lurons au maquillage trop gras, et aux habits trop courts, une prouesse artistique en trois albums, et une courte histoire d'amour qui dure toujours pour leurs indécrottables fans, qui se consolent avec les nonnes Troppo (le groupe original d'avant et d'après les VRP) ou encore Néry en solo.
Dans Remords et tristes pets, la très réussite reprise Alexandrie, Alexandra sera le déclencheur d'un succès prévisible mais ne cachera pas le reste de l'album qui regorge de petites pépites. On y retrouve un des plus connus morceaux des nonnes Troppo Le roi de la route, des chansons coquines comme Le nain" ou Les livres de fesse. Ce théâtre de rue, transporté sur disque, nourrit ses rythmes à coups de guitares sèches, de contre-basse d'infortune montée d'une poubelle et d'un manche à balai, et d'instruments additionnels comme un xylophone, un harmonica et tout ce qu'ils peuvent trouver qui fasse du son... Pour un résultat de trente minutes de vibrations sur des notes et des accords qui résonnent dans le crâne, des textes qui s'écoulent comme de l'eau dans une rivière et le tout devient affreusement délicieux. La lourdeur des textes n'est qu'une façade, c'est une poésie barbare, brute, celle des comptoirs, celle de tous les jours. Ensuite dans cet album on peut s’apercevoir que le groupe possède un réel talent de composition et d'originalité, en comparant par exemple Mardi gras avec V.R.P ou avec Le Viet, trois styles totalement différents pour le même résultat loufoque.
Il n'y a pas longtemps King Ju de Stupeflip disait dans une interview qu'un artiste devait être révolté, remettre en cause les formats tout faits, et cette phrase prend tout son sens lorsqu'on écoute le deuxième album Retire les nains de tes poches. Remettre en cause les formats tout faits, s'améliorer, s'élever vers d'autres sons, oser c'est être rafraichissant. Et à la première écoute, on peut entendre un léger changement, une assurance qui a grandi, un talent amélioré, et des nouveaux instruments utilisés avec générosité (Bombarde bretonne, boite à riz, sifflets, accordéon d'enfant russe...). Ramon Perez le morceau festif sans intermittence n'ajoutera aucune inquiétude quant à la qualité de l'album. Ensuite le groupe oscille entre chansons à écouter attentivement La misère des voix vulgaires, Macrame les doigts, et une voie vers l'humour et la dérision comme fil conducteur Affolement de naines, Les nénés des nanas des nains, La grande traversée un humour omniprésent qu'on pourra s'amuser à retrouver de nos jours chez des groupes qui ont pris le relais, par exemple "Affolement de naines" / "Élastique" d'Oldelaf et Monsieur D., rapprochement facile mais évident, on peut penser alors à un bel hommage. Dans ce disque on y retrouve François Hadji-Lazaro, chanteur et multi-instrumentaliste des Garçons Bouchers à l'époque, invité de luxe sur le morceau Tabernacle qui, comme Ta sœur, prouve qu'on pouvait faire de la variété version punk avec des instruments en bois. Allez comprendre... Variété ? Punk ? Rock ? déjanté et inclassable, oui.
Oui déjanté, pour preuve avec le prolifique Vacances prolongées qui; selon les dire de moi-même, fait partie du panthéon des plus beaux disques conçus sur la planète musique. Nous sommes en 1992, pendant que le budget militaire Américain passe de 281 milliards de dollars à 275 milliards, la popularité grandit concernant les VRP. Le groupe qui oscille entre intelligence et délire (les deux pouvant être parfaitement compatibles) décide d'en finir avec un dernier album, pour ne pas s'institutionnaliser et se perdre dans les méandres du confort d'une carrière assurée. On est fou jusqu'à la mort. Dans les soirées, il y avait toujours une guitare au milieu des bouteilles de bières, on y criait Les hurlements de Léo qui, vingt ans après, nous colle toujours autant la chair de poule, un peu comme l'ensemble de l'album. Emporté par le tourbillon de l'accordéon de Bartek, Hypnotisé par Partir, et pris d'un puissant rentre-dedans de morceaux drôlement bien écrits comme : Mémère, Ma vache a grossi, Aujourd'hui c'est dimanche, La grosse Papille. Pas besoin de plus d'éloges pour expliquer que cet excellent album est conçu et sonne comme une pièce de théâtre givrée où les mélodies s'emballent, se renversent, s'enchaînent et où les récits remplissent les espaces vides entre nos neurones. Le dernier mot de la dernière seconde de la dernière chanson est juste monstrueux, un cri final à la classe du groupe, qui arrête net l'histoire de cette aventure en trois albums.
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