J'écoute Buena Vista Social Club

Ce voyage musical a débuté par une découverte inattendue, une pépite inimaginable venue tout droit de Cuba, un album qui a brisé les frontières et capturé les cœurs de millions d'auditeurs à travers le monde dont le mien, à l'été 1998. Je suis serveur saisonnier dans un grand restaurant du sud de la France, avec des jardins, des patios, des fontaines et un album qui tourne tous les soirs dans les enceintes du lieu. Une musique qui va capturer les odeurs, les lumières, les saveurs des soirées estivales de cette période bien précise de ma vie. Une courte période estampillée Sud-Américaine où je m'émeus également au cinéma du chef d’œuvre Central Do Brasil, de La cité des Dieux, où je vais voir Gilberto Gil en concert, où Barcelone m'attrape dans ses filets, où les premières chansons de Cesaria Evora ou Mercedes Sosa m'envahissent comme le premier album de Manu Chao...

Quand les beaux jours arrivent enfin, que la chaleur se fait ressentir, qui ne rêvent pas de rentrer du boulot, se poser dans le jardin, mettre les doigts de pieds en éventail avec une bonne petite bière fraîche et se laisser submerger par les vapeurs des rues de la Havane dès les premières notes de Chan Chan ? C'est un rayon de soleil sur commande, chassant les sombres nuages de la routine, devenant une luciole dès la nuit tombée, avec ses rythmes envoûtants. Un véritable antidote joyeux contre la monotonie quotidienne, offrant une parenthèse enchantée où la vie semble tellement plus légère. Des chansons monumentales qui mêlent avec perfection mélancolie et allégresse, révèle une beauté de l'âme entrelacée avec des mouvements langoureux du corps. On plonge dans l'univers captivant de la musique cubaine, guidé par l'alliance subtile entre virtuosité discrète et désespoir retenu que les musiciens, anciennes gloires locales longtemps oubliées sous le régime castriste, insufflent dans chaque note.

Pour l'album, tout a commencé comme un accident, un contretemps dans un projet qui devait unir des talents africains. La bureaucratie cubaine, obstinée, a joué les trouble-fêtes en refusant la venue des artistes prévus, laissant le studio réservé sans espoir de changement. C'est alors que le producteur Ry Cooder lance Juan de Marcos González, maestro programmateur, à la recherche de talents disponibles, pour occuper les locaux en priorité. Juan de Marcos González, a sillonné La Havane à la recherche des légendes de l'âge d'or cubain. Il a ainsi réuni une constellation d'étoiles musicales : Ibrahim Ferrer, Omara Portuondo, Rubén González, Compay Segundo, Cachaito López, auxquels il a ajouté le brillant Afro Cuban All Stars. Dans un élan de créativité pure, cet orchestre a donné naissance à un album qui respire l'authenticité et la passion. Le processus fut aussi spontané que magique. González a simplement proposé aux musiciens les titres qu'il rêvait d'enregistrer. Le raz-de-marée qui a suivi on le connait, le public a saisi l'essence de cette histoire : des légendes musicales retraitées qui ressuscitent leur art pour le sauver de l'oubli. Les foules se sont ruées pour acheter l'album, captivées par cette vérité musicale qui transcende les barrières linguistiques et culturelles. Aujourd'hui, alors que je me plonge pour la énième fois dans les notes et les rythmes envoûtants de cet album mythique, je me demande : est-ce vraiment important de préciser le pourquoi du comment de cette histoire ? La magie de la musique se trouve dans son pouvoir de toucher nos âmes, indépendamment des circonstances qui l'ont vue naître. C'est pourquoi je ressens le besoin de rendre hommage à cet album ici, en dépassant sa réputation, et de saluer l'opportunité qu'il a donnée à ces musiciens et ces chanteurs, leur permettant ainsi une nouvelle chance d'être sous les feux des projecteurs. Bref, le légendaire Buena Vista Social Club, véritable icône de la world music, ne cesse de m'enchanter avec sa généreuse dose de salsa-rumba-cha-cha-cha envoûtante. Vingt ans après avoir été séduit par cet album, il continue de faire résonner toute la chaleur et la vivacité de Cuba non seulement dans mes oreilles, mais aussi dans mon âme, renouvelant sans cesse son pouvoir enivrant.

Tient, ce soir on reçoit du monde. J'ai déjà l'idée que ce disque sera dans la sélection de ceux qui vont tourner sur la platine en fond sonore. Il paraît que ça faisait très bobos à l'époque d'écouter cette vague musicale. J'emmerde les clichés, je sais qu'on sera bien avec cette musique, on sera même très bien.


Tracklist
01 - Chan Chan
02 - De Camino a La Vereda
03 - El Cuarto de Tula
04 - Pueblo Nuevo
05 - Dos Gardenias
06 - ¿Y Tú Qué Has Hecho?
07 - Veinte Años
08 - El Carretero
09 - Candela
10 - Amor de Loca Juventud
11 - Orgullecida
12 - Murmullo
13 - Buena Vista Social Club
14 - La Bayamesa

16 septembre 1997
Nonesuch Records


www.buenavistasocialclub.com

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