Jean-François Pauzé - Ballon-sonde

Le dernier titre instrumental de l'album Pub Royal des Cowboys Fringants s’intitulait Les bonnes continuations. À l’époque, malgré l’immense tristesse, un souffle d’espoir nous maintenait encore debout, porté par ce morceau final au titre si évocateur. Il ouvrait, en silence, un champ de possibles à perte de vue.

Depuis, la comédie musicale a rempli nos cœurs, surtout le mien se noyant dans un océan de larmes (chroniquée ici), Marie-Annick a sorti son troisième album (chronique ici aussi), et Jean-François se lance dans le grand bain. Après quelques stories intrigantes où on le voyait en studio sans plus d'indications, puis l’annonce d’une tournée déjà tant attendue avant même qu’on ne découvre son « nouvel » univers, voici qu’un premier titre s’invite enfin sur les plateformes. Pour notre plus grande joie. Oui, je parle au nom des fans des Cowboys Fringants et sans aucun doute aux futurs admirateurs du nouveau chanteur. 

Avec le décalage horaire, j’ai dû patienter une nuit entière avant de vivre cette nouvelle expérience fringante. 06h30, je sors de chez moi en direction de la gare. Je fixe mes écouteurs dans les oreilles, prêt à invoquer les émotions. L’air est doux, les rues sont calmes. Tout s’aligne pour un début de journée parfait. Guitares, batterie : les premières secondes réchauffent mon âme. Et quand JF commence à chanter, je me revois un an plus tôt, découvrant l’album Pub Royal, rêvant déjà de devenir fan de ce chanteur au potentiel immense, révélé définitivement dans Vie et mort de Gina Pinard et Merci ben!.

Un premier vol, tout en légèreté et en lucidité. La chanson se pointe en douceur, sans fracas, mais laisse un sillon profond dans le ciel intérieur. Ballon-sonde, le tout premier titre solo de Jean-François Pauzé, touche en plein cœur. Proche des envolées folk-rock festives des Cowboys Fringants, dont il fut l’architecte littéraire pendant près de trois décennies, JF trace ici une trajectoire plus intime. Avec une voix posée, presque fragile, il prend de la hauteur pour sonder le monde... et ses propres vertiges. Le ballon-sonde devient alors métaphore d’un esprit qui cherche à comprendre, à mesurer l’altitude des émotions, la pression du réel, et surtout, l’intensité des solitudes.

Musicalement, l’épure règne. Une guitare acoustique en apesanteur, quelques nappes discrètes, un rythme feutré. On est plus dans la confidence que dans le manifeste. Le texte, lui, reste fidèle à ce qui fait la patte de Pauzé : un mélange de lucidité sociale et de poésie du quotidien. Il dresse le constat d’un monde à la dérive, mais exprime aussi le besoin de s’en extraire, de regarder les choses d’en haut, pour mieux les ressentir – tout en s’adressant à son regretté grand ami.

Un peu comme on lance un ballon-sonde
J't'envoie des nouvelles de l'autre monde
Rien d'neuf ici tout va pour le mal
Ça frôle la guerre mondiale

La planète est à dieux et à cran
Et comme les gens s'ront toujours les gens
C'qui s'rapproche le plus de l'infini
Ça reste l'humanité et l'étendue de sa connerie

En deux phrases, le sens de Ballon-sonde devient bouleversant. Commencer une nouvelle aventure en chantant à son ami disparu, c’est immensément beau. Oh que oui, notre Karl Tremblay nous manque terriblement. Oui, tout est plus triste depuis qu'il est parti. Ce morceau est le cri d’un homme qui, après avoir longtemps chanté en bande, choisit la solitude de l’émetteur météo. Il lance sa capsule dans le ciel des chansons, non pas pour fuir la terre, mais pour en capter les vérités invisibles et naviguer parmi les étoiles filantes. Je suis vraiment très enthousiaste par ce premier titre que j'écoute en boucle depuis ce matin, suspendu à cette capsule sonore. Les yeux tournés vers le ciel et les sens en éveil : je sais que j'ai besoin d’un cowboy pour traverser les intempéries de la vie. 

Ce prélude à un album prévu pour l’automne 2025 (Les amours de seconde main) tombe à point nommé, et je sens que cette aventure solo ne sera pas un simple à-côté. C’est un virage sincère — nécessaire — vers une forme de libération artistique. Une quête plus personnelle, où l’auteur explore de nouvelles hauteurs et des perspectives de joie que l’on accueille, bien sûr, à bras grands ouverts. 



www.jfpauze.com

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