Mel D - Young Bones

La rentrée, ce moment si particulier où l’on quitte la langueur des vacances pour replonger dans le flux quotidien, entre excitation et mélancolie. C’est dans cette période flottante que paraît Young Bones, le premier album solo de la Suissesse Mel D. Et c’est peu dire que ce disque arrive au bon moment : neuf chansons qui ressemblent à des balises sensibles dans nos tempêtes intérieures, des repères doux mais solides pour traverser l’automne qui s’annonce avec le coucher de l'été dans le rétroviseur.

Dès Changing, morceau d’ouverture, la magie opère. Hypnotique, envoutant, le titre fait l’effet d’un sortilège chuchoté à l’oreille. Je pense à Cat Power dans ses instants les plus planants : cette manière de capturer le silence et de le transformer en intensité. La voix de Mel D flotte au-dessus d’arrangements délicats, comme suspendue dans l’air. Je plane, littéralement. Puis vient Soft, léger, ballade tendre et soul, qui évoque la grâce intimiste d’une Agnes Obel : piano, nappes délicates, une voix qui ne cherche pas l’éclat mais la justesse. C’est une chanson-cocon, qui apaise pour devenir cette couverture d'un matin frais de septembre. Not Crazy, déjà connue depuis l’EP de 2024, agit comme une respiration plus vive. Ici, Mel D s’affirme dans une veine plus espiègle, presque indie-pop, rappelant les débuts fougueux de Cat Power lorsqu’elle osait mélanger fragilité et désinvolture. C’est un titre de mise au point, une carte de visite où l’on entend toute l’originalité de son timbre. L’album prend une tournure plus incantatoire avec Bring the Witches Back, . Sororité, magie, amour : ce morceau manifeste déploie une énergie baroque, avec un souffle folk et une puissance vocale qui n’est pas sans rappeler Feist. On sent chez Mel D cette capacité à écrire des chansons qui sont aussi des visions. Le cœur battant du disque se trouve peut-être dans Slowly Growing : une ballade initiatique qui explore l’identité et l’appartenance. Ici, la sobriété est des plus épurées, quand une simple mélodie et une voix claire suffisent à bouleverser. C’est une chanson qui respire le temps long, le refus de la précipitation... L’album culmine vers une nouvelle odyssée sonore avec We Win, en duo avec Dino Brandão. Mélange de folk et d’électro-pop, le morceau respire la joie et l’élan collectif. Enfin,  quand Where Do You Look When It Hurts ? ferme l’album, il me couvre d'une tendresse infinie. Belle comme un dernier jour d'été et cette manière de transformer la fragilité en grâce, de donner au désarroi une couleur presque apaisante. La voix de Mel D, fragile et pleine à la fois, devient un baume. Enregistré entre Zurich et Paris avec Renaud Letang (Feist, Lianne La Havas) et Dino Brandão, Young Bones est un album séduisant dès la première écoute. A la fois éclectique sans se disperser, raffiné sans ostentation. Mel D y déploie une identité artistique déjà affirmée.

À l’heure où la rentrée nous submerge de défis et de fatigue latente, ce disque arrive comme une réponse sensible : un refuge, une résistance douce, un rappel que nos fragilités peuvent devenir force. Mel D signe un premier album prometteur et s’impose comme une voix capable d’habiter nos saisons, de les transformer en espace d’espérance... Un très beau disque ! 


Tracklist
01 - Changing
02 - Soft
03 - Not Crazy
04 - Bring The Witches Back 
05 - Slowly Growing
06 - Kid
07 - Hey You
08 - We Win (feat. Dino Brandão)
09 - Where Do You Look When It Hurts? 

05 septembre 2025
Two Gentlemen


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