Fabien Martin - Littoral augmenté (2025)
Première écoute, casque sur les oreilles, fin de journée, fin de semaine. Littoral Augmenté s’installe doucement en même temps que mes fesses s'enfoncent sur la banquette du TER. Rien de démonstratif, juste cette sensation étrange que ce disque est là pour m’accompagner. Pour l'histoire, Fabien Martin revient avec son EP de 2014, qu’il transforme, qu'il peaufine, qu’il déplace, qu’il habille d’un présent recomposé loin de l'exercice nostalgique.

Très vite, les morceaux glissent les uns dans les autres avec une fluidité presque trompeuse. Neuf titres réinventés, trois inédits, j’ai l’impression d’entrer dans une matière en mouvement, comme si les chansons respiraient encore, même après leur première vie. Le pouvoir de la création me dit-on. Les claviers eighties arrivent sans clinquant avec ce flegme élégant, les rythmes gardent une nonchalance très humaine, la guitare enveloppe, la batterie reste souvent en retrait tout en ayant une justesse parfaite. Tout est parfait, tout est subtil, mesuré. À la première écoute, ça glisse tout seul. À la troisième, je commence à remarquer les détails. À la cinquième, certains motifs me hantent déjà. C’est un disque qui s’installe lentement, mais durablement. Et ça commence avec Les Grandes Marées qui avance par vagues lentes, sans jamais forcer l’écoute. Les claviers ondulent doucement, la rythmique reste en apesanteur. La voix de Fabien Martin flotte à hauteur d’émotion, retenue, fragile. Je l'aime. Le texte parle du va-et-vient des choses, de ce qui part et de ce qui revient. Cette première écoute transforme mon trajet d’une mélancolie douce qui s’installe et ne fait plus de bruit laissant la part belle à la grandeur des arrangements. Vient La Liberté où Fabien Martin choisit l’angle de la suggestion plutôt que celui de la déclaration. La chanson avance sur une rythmique souple, ou rien ici ne cherche l’hymne ni la revendication frontale, la liberté évoquée est intérieure, fragile, en construction et la présence de Mike Ibrahim apporte une touche supplémentaire de chaleur et de profondeur. Plus rien, La croisière s'emmerde, les textes me parlent, j'aime quand Fabien Martin parle du quotidien sans le rendre banal. Il s'y passe toujours quelque chose. Il attrape les petits riens, les lassitudes, les doutes, et les transforme en paysages intérieurs. Il y rajoute de la couleur, de l'amour, de la tendresse. Rien n’est forcé. L’émotion circule à bas bruit. Ça ne change rien, titre de toute beauté me touche particulièrement car c'est ce que j'ai envie, c'est ce que beaucoup d'entre nous avons envie, de crier, de chanter fort, en tapant du pied, en souriant, en aimant, la musique comme exutoire. Libérateur. Puis duo fantasque avec Mathieu Boogaerts sur La touche étoile, qui me fait sourire parce que mes oreilles entendent Oldelaf et la comparaison n'engage que moi. C'est pas pareil mais c'est tout aussi bien. Mince la claque qui arrive, j'adore follement, amoureusement j'adore Remake. C'est beau. Cette mélodie, ce refrain, cette voix, c'est entêtant, c'est chantant, c'est enivrant et c'est pour ça que j'aime tant fort ce titre. Il y a aussi Darling, pépite à l'ambiance aérienne, cinématographique quand on ferme les yeux en l'écoutant, musique à la douceur et l’intimité touchante m'enveloppe d'une sensualité que seul les plus grands chanteurs français d'y a trois-quatre décennies savaient procurer. Il y a aussi Le phare, parenthèse pop british, c'est le phare de sa vie dont l'image symbolise une constance rassurante au milieu du mouvement perpétuel de la vie quand Ciel de traîne offre une atmosphère comme ce genre de ballade où l'on sent la pluie arriver, mais avec une résilience et une beauté dans cette grisaille que seul un artiste comme Fabien Martin est capable de créer. Et enfin pour conclure un bien joli album, Pas une mouche, rappelle que l'humour est aussi une arme de séduction dans l'univers du chanteur, qui fait décrocher immédiatement un sourire et qui s’accroche immédiatement à l'oreille. Ça fait mouche et à chaque nouvelle écoute, Littoral augmenté devient un peu plus un lieu familier. Un endroit calme, mouvant, légèrement mélancolique mais jamais pesant. Un disque que je peux mettre sans attendre un moment particulier mais qui saura m'apporter quelque chose de différent à chaque écoute. Un disque qui accompagne par ses mélodies qui restent et ses chansons qui prouvent - sans surprise - que Fabien Martin est un magnifique artiste.
En ces journées moroses, noyées de pluie et de froid, où je regagne la maison sous la nuit tombée sans avoir aperçu le moindre coucher de soleil, et où mes désirs du moment paraissent aussi creux que des vœux de nouvelle année qu'il va falloir bientôt formuler, ce nouveau disque agit sur moi comme un baume. Sa grâce légère, sa sensibilité à nu et sa sincérité sans artifice ont quelque chose d’infiniment touchant.
Tracklist
01 - Les grandes marées
02 - La liberté (feat. Mike Ibrahim)
03 - Plus rien
04 - La croisière s’emmerde
05 - Ça ne change rien
06 - La touche étoile (feat. Mathieu Boogaerts)
07 - Remake (mélancolie collective)
08 - Darling
09 - Le phare
10 - Ciel de traîne (feat. Mike Ibrahim)
11 - J’aime pas
12 - Pas une mouche
21 novembre 2025
Littoral Records
www.facebook.com/fabienmartinfrenchchanteur
www.kuroneko-boutique.com
Commentaires
Enregistrer un commentaire