Mortelle Randonnée - La reine uphone (2025)
J'aurai pu ne pas aimer cet album, car un seul truc était là pour un dégommage en règle : le jazz. Ce style n’a jamais été vraiment ma tasse de café. Trop insaisissable, peut-être. Pourtant, La reine uphone de Mortelle
Randonnée a fait rapidement vaciller mes certitudes.

Visuellement d'abord, c'est très artistique et ça réveille ma curiosité. Quelque chose se passe dès les
premières notes de Musique mécanique, une brèche s’ouvre, et me voilà emporté dans un
territoire inconnu mais étrangement familier. C'est que ce que je croyais "jazz" mijote en fait dans une pop pataphysique à réveiller Alfred Jarry. Cette approche artistique et esthétique qui joue avec de la pop culture, du rock psychédélique, de l'absurde, de l'illusion jusqu'à la dérision commence à me plaire. Grâce au collectif Freddy Morezon "on se promène chez Carla Bley, figure majeure de la musique américaine et pour 2 titres (Ce Maudit Volcan, Tortues) chez et avec sa fille Karen Mantler, double diaphane aux apparitions fantomatiques. Mortelle Randonnée, dans la relecture de ces répertoires, nous fait visiter un cabinet de curiosités." et la curiosité amène à la découverte. C'est important de découvrir et Chanson de l'oiseau drôle ne peut que faire voler en éclats mes réserves. Au bout d'un moment, j'ai du me rendre à l'évidence : merde, c'est bien comme truc. C'est chiadé et ça joue comme il faut. Passé la découverte je capte très vite qu'il y a de la folie derrière les choix et du talent dans la réalisation. Ce qui ce dit être un hommage ressemble plus à un amour, tellement tout semble délicat, soigné, détaillé, d'une finesse à faire rougir les céramistes de Limoges. Le troisième morceau Ce maudit volcan m'achève. Je suis perdu. Alfred rigole. L’album tisse un fil invisible entre les sons, une matière qui semble s’écouler entre les doigts sans jamais disparaître mais dont il est difficile d'attraper. Les instruments s’entrelacent, se répondent, et chaque note résonne comme un murmure complice. Ce n’est pas juste une musique, c’est une atmosphère tamisée qui se pose sur les épaules et donne envie de ralentir, je me retrouve dans une boite sans ouverture pour prendre l'air et remettre ses esprits en place (vous voyez Twin Peaks ? C'est le même bordel dans ma tête). Il y a quelque chose d'hypnotique dans ce morceau formidable, dans ce chant envoûtant. Objet contondant vient me remettre sur la route de mes errances d'auditeur. Un titre instrumental comme entracte à la somnolence à coups de cuivres et de tempête de notes. Depuis dix minutes je me laisse porter, désarmé, pas vraiment surpris d’aimer cette étrangeté car j'aime le déséquilibre fragile des choses et ce disque à tout pour répondre ce plaisir. J'aime pas chanter est complètement fou et devient rapidement mon titre préféré de l'album. Je découvre, j'écoute, je remets, encore, encore, encore et des tonnes d'images viennent se loger en un gros tas de bazar dans mon crâne. Je me retrouve dans une autre époque, celle des chanteurs de rues, celle où les chansons avaient du poids dans la culture et offraient un sens dans le quotidien. Les musiciens sont calés niveau référence, moi je vois Boris Vian, j'entends Les VRP et j'aime Mortelle Randonnée. A minuit vient remettre une couche de ce que j'ai aimé dans le premier titre Musique mécanique 1. Je suis dans une boucle où chaque note semble hésiter avant de tomber avec une justesse parfaite. La reine uphone est un piège délicat, un détournement des codes, une invitation à contempler ce qu'on ne voit pas souvent. J'y suis entré avec méfiance et j'en ressors transformé. Un peu lessivé, parce que la rando c'est du sport quand on n'est pas trop habitué, surtout quand elle est autant mortelle. Oui c'est mortel cet orgue sur L'âne atonal puis les cuivres qui viennent tout faire exploser... 'fin dans le casque ça envoie ! Voilà une sensation inhabituelle que je veux garder au creux de mon oreille. Quand l'album se termine avec Ondulations de l'oiseau Caucase, il y a quelque chose qui résume l’entièreté du disque et qui reste longtemps, très longtemps après la dernière note...
Tracklist
01 - Musique mécanique 1
02 - Chanson de l'oiseau drôle
03 - Ce maudit volcan
04 - Objet contondant
05 - J'aime pas chanter
06 - La 440
07 - Tortues
08 - À minuit (Musique mécanique 2)
09 - L'âne atonal
10 - Ondulations de l'oiseau du Caucase
14 février 2025
Mr Morezon
www.mrmorezon.bandcamp.com/album/la-reine-uphone
www.facebook.com/freddy.morezon
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