Deportivo - Reptile (2025)

À mon sens, on  ne peut pas prétendre connaître le rock français tant qu'on n'a pas écouté Deportivo, qui est sans conteste l’un des groupes les plus inspirés de cette scène, voire l'un des meilleurs tout simplement.

Douze ans d'attente pour un nouvel album c'est long, mais je me dis que ça valait la peine d'être patient quand je découvre ce nouveau disque, ce retour salué. Il s’ouvre sur un chaos mélodique maîtrisé avec Reptile, un coup de tonnerre qui claque et annonce la couleur : celle d’une nuit sans fin, éclairée par notre époque brûlée d’une rage à vif. La voix de Jérôme Coudanne, éraillée, hargneuse, murmure et scande, tantôt spectrale, tantôt incandescente, toujours magnifique. Elle porte en elle les échos d’une génération qui vacille, les espoirs déçus et les poings levés. Je retrouve une part de ma jeunesse, lorsqu'en 2004 l'album Parmi eux m'a pris le cœur.

On retrouve cet univers génial fait d'une fièvre qui ne se guérit pas, d'une énergie brute qui s’insinue dans les veines et secoue les âmes. D'une douceur mélancolique, mélodique, intrépide qui aime se faire prendre dans un tourbillon d’électricité pure, et cerise sur l'opus, Deportivo n’a rien perdu de sa verve rebelle. Mieux, ils l’ont aiguisée, affinée, transformée en un cri de ralliement. Reptile est un album viscéral, un poème enflammé, une détonation en dix morceaux pour seulement 23 minutes d'intensité. Une intensité de rage (Fiasco ça décoiffe), de poésie (J'aurais dû t'en parler), de mélancolique (Rubikscube sublime) un instantané électrique qui ne s’efface pas. C'est rapide mais pas expédié à la va-vite, Reptile est une mue sans nous en rendre compte, un cri dans l’écho, une vertigineuse chevauchée sous tension où chaque note semble taillée dans la roche, où chaque parole s’écrase contre le bitume avec la force d’une évidence. Chez Deportivo, c'est le vertige que je préfère. On se retrouve dans le roller coaster sur un long fleuve tranquille puis soudain la basse vrombit comme un moteur à plein régime, la batterie martèle, implacable, et la guitare crache son venin, aussi acide qu’envoûtant et quand le rythme ralenti de nouveau, on s'prend une vague joliment désabusée. L'ultime titre Avide s’échoue sur les rivages du désenchantement, un dernier uppercut, un coup de grâce languissant qui brûle tout sur son passage. Mais j'y retourne. Deportivo, ces insoumis aux riffs abrasifs et aux hymnes électriques, livrent ici un album trempé dans l’urgence et la fureur nous rappelant que la musique - leur musique - est un excellent remède contre la morosité. Y a pas mieux pour secouer nos sentiments.


Tracklist
01 - Reptile
02 - (L)égo
03 - Révolution Benco
04 - Fiasco
05 - J'aurais dû t'en parler
06 - Alloués
07 - Rubikscube
08 - Traînards
09 - Perdu
10 - Avide

27 février 2025

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