Marc Seberg - Le chant des terres (1985)
Je ne sais vraiment pas comment je suis arrivé à lui ni ne me souviens de l'état dans lequel j'étais quand je l'ai découvert. Je sais que nous sommes en 2010, je débarque à Rennes, j'ai Rue de Siam de Marquis de Sade dans mes cartons, du Bikini Machine, du Santa Cruz, Les Nus... Quelques balises musicales chinées dans mon Sud d'adoption pour ainsi vite trouver mes marques dans la capitale bretonne, terre promise de rock légendaire.

Je découvre les programmations de l'UBU, de la Cité, les foires aux disques aux halles, les rues pavées me racontent des histoires, je me branche sur FIP, je découvre Radio Rennes et l'horizon devient immense sous mes yeux et dans mes oreilles. Ma nouvelle vie rennaise me fait entrer dans une quatrième dimension comparé à la culture Perpignanaise. J'y découvre rapidement Dominic Sonic, Republik, The Popopopops, The Wankin' Noodles, Monsieur Roux, Laetitia Shériff et puis de fil en aiguille ce chant des terres de Marc Seberg. Je pose le disque sur la platine. L'éclaircie d'abord, et à chaque écoute ça se passe toujours ainsi : Une vague charnelle, ce qu'il y a de plus sensuel dans la création, m'emporte peu à peu. Comme une sensation d'envol, mon corps s'anime ardemment, la poésie absorbe tout.
Sorti il y a tout juste quarante ans, Le Chant des terres est le deuxième album du groupe formé par Philippe Pascal au chant et Anzia à la guitare après la dissolution de Marquis de Sade. Cet opus marque une évolution notable dans leur sonorité, notamment grâce à l'intégration de Pascale Le Berre aux claviers, apportant une dimension plus organique (certains préfèrent dire mélodique) à leur musique. Sans oublier Pierre Corneau à la basse et Pierre Thomas à la batterie.

Quelques années plus tard, le temps défile sous mes yeux, j'ai l'impression de voler à une allure folle, tout va de plus en plus vite. Les souvenirs s’emmêlent petit à petit, les couleurs fusionnent et forme des masses de couleurs informe. Alors je replonge dès que possible dans cet album, allongé à côté de lui comme pour mieux ralentir le temps. La musique vient harmoniser toutes cette explosion visuelle, mélangeant expérimentation sonore et vocale. La couleur se transforme en une danseuse, son corps aux mille couleurs, se déplace avec grâce, chacun de ces mouvements s'élance dans une précision délicate. Le moindre des mouvements de son corps s'allient à la douceur de cette ambiance musicale, ou deviennent symphonie d'amour et de beauté. La musique accélère enfin et la frénésie prend forme, et comment oser faire rimer l'amour, l'amour avec dernier recours ? J'ai pris corps dans la musique, il est temps de hisser la voile, le cap sur une île de hasard... L'éclaircie et soudain tout devient... La grâce des mots et cette musique oscillant entre cold-wave et rock réunient sous les mêmes traits, un spectacle époustouflant. Tous s’arrêtent. Puis cette voix, les chants, la lumière ambiante se tourne vers les tons violets, c'est très douillet et ça détend. Le chant des terres, tout se bouscule, les lumières tourbillon et s'éclaircissent, jusqu’à atteindre la pâleur du ciel encore d'hiver. Puis tous s'assombrit, mais pas dans le nocturne des angoisses, non paisiblement dans une douce obscurité. Don't Fail Me se pose enfin sur moi, fièvre mélancolie d'un amour cérébral, mais la musique a le don de mettre mes émotions à fleur de peaux. Je sens les vibrations sur mon épiderme, couché sur le parquet, les yeux qui s'envolent vers la fenêtre, les nuages dansent aussi. Si j'avais sur te dire et je sens les vibrations, je brûle, je vois la vie comme bien des hommes avant moi, dans l'espoir d'une virgule, en suspension, sous perfusion... Cette magnifique poésie sans nulle autre pareille, n'est pas un rêve. Comme quand le groupe reprend Recueillement de Charles Baudelaire, extrait des Fleurs du mal dans une interprétation éblouissante. Je ne peux m'empêcher de la comparer avec la version (tout aussi belle) du dernier album de Détroit. Trente-neuf ans sépare les deux versions, et celle de Marc Seberg me rappelle à quel point ce disque résonne bien au-delà de son époque mêlant délicieusement romantisme noir, spleen incandescent et envolées électriques... Certains diront qu'il a mal vieilli, d'autres crieront au chef-d’œuvre intemporel. Lui qui a traversé les décennies sans perdre de sa superbe, je ne pourrais jamais m'en séparer, ni m'en lasser. Et quand retentit Les ailes de verre, tout semble exploser dans l’essentiel : la musique et l’émotion, à vif...
Tracklist
01 - L'éclaircie
02 - Le Chant des terres
03 - Don't Fail Me
04 - Si j'avais su te dire
05 - Aurore
06 - Recueillement
07 - E. Rope
08 - Les Ailes de verre
18 mars 1985
Virgin
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