Bertrand Louis - Stéréotype(s) (2025)

Bienvenue dans votre époque, telle est l'annonce d'entrée dans ce nouveau disque de Bertrand Louis qui à l'apparence des incendies et l’élégance des failles de nos vies.

Ce disque est un souffle à la fois inquiétant et rassurant, opus d’un dandy désenchanté de la chanson française dans un costume électro à l’esprit punk dont la voix brise le silence. Bertrand Louis signe avec Stéréotype(s) un album somptueux, hors mode et hors norme, qui brûle d’une belle lucidité. Onze titres comme autant de lames fines, polies au sarcasme et trempées dans le doute. Il s'interroge et nous questionne. Une œuvre où la pensée danse avec le verbe sur des tapis de braises froides. Après le premier titre et après A part la Droite, il n'y a rien que je méprise autant que la Gauche, Chaque jour est une chance est une claque comme j'aime les prendre. La chanson se fait scalpel. Pas d’effets de manche : chaque mot porte, chaque phrase pèse. Le chanteur dévisse les masques sociaux à la pince à épiler, dissèque les clichés comme on démonte une horloge ancienne, c'est-à-dire d'une minutie prodigieuse. L’amour, le genre, le pouvoir, l'attitude, tout est passé au crible mais sans jamais céder à l’ironie vaine. Caricatural si l'on veut, désabusant bien-sûr mais tellement jouissif par moment (Allez, fais donc un geste pour ta planète par exemple) il attaque les stéréotypes en plein cœur, non pour les fuir, mais pour s'indigner contre l’humanité endormie. L'enchaînement des titres me fait penser à la mise en musique pour un film noir, aux orchestrations précises et raffinées. Claviers acides, guitares râpeuses : le décor est posé, chic et charbonneux. C’est du velours printanier avec des échardes d'hiver. J'adore également la “présence” de Sandrine Cacheton (pour ceux qui ont la référence). Après avoir chanté Verlaine (chronique ici), voici un nouvel album concept dans lequel chaque chanson se chevauche, se dirigent vers le même sens dans un cri d'émancipation et de ricanement doux : chasser les stéréotypes en tout genre. L’amour et l'alcool, chanson fragile comme un fil de soie entre deux abîmes. Ici, le genre se fait musique, le doute devient beauté. Tes selfies et ta story est à applaudir aussi. Ce sur quoi on peste sans pour autant y échapper. Phobe est un miroir tendu face au monde et devant soi-même et Zombie zombie tire parfaitement la sonnette finale en résumant les onze titres qui viennent de défiler. Et en plus c'est super dansant.

Bertrand Louis ne cherche pas à plaire : il provoque, il suggère, il trouble en explorant les profondeurs de notre vie actuelle. Et c’est là toute sa grandeur. Celle de transformer le silence des étiquettes en éveil, en distillant ses chansons qu'il faut lire comme des poèmes explosifs. Il ne cherche pas à convaincre non plus : il jette des éclats, des énigmes, des vérités. Stéréotype(s) est un album fulgurant, aussi cérébral qu’incarné. Un disque qui gratte la surface du monde jusqu’à en faire surgir l’essentiel : celui de penser et d’aimer, malgré tout. Rare, précieux et nécessaire, bienvenue dans notre époque.


Tracklist
01 - Bienvenue dans votre époque
02 - A part la Droite, il n'y a rien que je méprise autant que la Gauche
03 - Chaque jour est une chance
04 - Tavuskiladi
05 - Allez, fais donc un geste pour ta planète !
06 - Nous, artistes...
07 - Je suis donc un vieux mâle blanc
08 - L'amour et l'alcool
09 - Tes selfies, ta story
10 - Phobe
11 - Zombie zombie

18 avril 2025
EPM


www.bertrandlouis.com

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