Drama King - Mud & Concrete
Je viens de recevoir un mail de Yann qui me dit que Mud & Concrete est "probablement son plus bel album de l'année. Et qui devrait ravir les amateurs de Nick Cave, Madrugada"... Il ne m'en faut beaucoup moins pour attirer ma curiosité. D'autant que j'avais eu écho du projet de Kevin (chanteur du groupe rennais The Decline) qui m'avait déjà charmé il y a sept ans avec Slim Wild Boar (en chronique ici), ça ne pouvait donc que m'intéresser.

Je clique sur le lien vers la vidéo de Brown And Grey et soudain... Quel est donc cet univers où je m’enfonce ? Qui m’aspire, je sombre. Il me ronge, quel vertige ! Et pourtant je cède, je tends la joue pour le bien que ça fait. Car quelque chose, dans cette chanson puissante, s’éveille en moi même si le thème du morceau ne me concerne pas, la magie s'opère ailleurs. Drama King me fait entendre ma propre chute, douce ou fracassante… Une chute vertigineuse dans ce que la musique à de plus belle à offrir. Chaque note, chaque souffle, chaque mot, entre en résonance avec mon chaos intime. C'est déjà l'une de mes plus belles chansons de l'année, j'en suis certain. En plus, le clip est d'une beauté... bretonne, sans être chauvin... Quoiqu'un peu quand même...
Je poursuit l'aventure et me lance dans la découverte de l'album qui vient de sortir. Très vite, Drama King est le fil barbelé d'un funambule qui veut bien venir s’exercer sur leur musique, équilibre entre rock industriel et poésie noire. Broken Wings, le premier titre, m'inspire une voix charnelle, blessée, qui cherche l’oxygène dans une ville de béton humide et de rêves concassés. Les premières notes de guitare suivi d'un orgue majestueux sur Waiting for the Shades est une ballade balancée dans les entrailles, mais enveloppée d'une élégance trouble. Effectivement, comme si Nick Cave était perdu dans la pénombre d'une rue sous la pluie où résonne une mélodie larmoyante de The National. Je suis arrivé au troisième morceau et l'activité sous mon épiderme ne trompe pas, c'est puissant, ça me prend, c'est dense, la tension est palpable, j'ai envie de chialer en faisant exploser mes enceintes. L’ambiance est installée depuis la première note. Mud & Concrete est un labyrinthe mental d'une clameur retenue qui ne demande qu'à exploser. Surtout avec des thèmes aussi fort que précarité, alcool, solitude, santé mentale, montée de l'extrême droite... Ça palpite sous la peau. Every Dream That I Make Takes Me Back to the Start est la b.o du Far West contemporain que nous sommes en train de vivre. C'est parfait pour libérer les rêves. On dirait qu'il n'y a guère plus que ça pour s'accrocher. Je suis une âme perdue qui s'agrippe à ces prières chantées sous un orage électrique de guitares râpeuses, de basse grondante, de batterie qui caresse sec. Je pense aux Stooges pour l’énergie et à un certain esprit post-punk hérité de la scène anglaise des années 80 mais Drama King ne copie pas, il digère, malaxe, recrache. Ça vit, ça hurle, ça saigne. C'est contagieux, plus j'écoute, plus je suis prisonnier volontaire de l'album. La voix, putain sublime, profonde et chargée de rage contenue, balance des textes ciselés comme des éclats de verre que l'on prend avec plaisir, pour la jouissance. Entre spleen urbain et colère sourde, c’est le chant d’un monde à la fois trop dur et trop fragile qui vient nous asperger à la tronche pour humidifier notre cœur. Les titres s’enchaînent comme des uppercuts, avec pourtant des respirations bienvenues : des ballades lourdes d’atmosphère où l'artiste ralentit la cadence sans jamais perdre en intensité et en sincérité, sans artifices. Silent Homes et sa montée en puissance phénoménale, je me retrouve en lévitation. Sur Between the Store Shelves je ne veux plus redescendre. Je ressens ce battement de cœur obstiné dans le bruit du monde extérieur, ce souffle
que l'on retient, ce désir qu’on ne sait plus nommer. Clairement, Mud & Concrete est une possession douce et violente qui prend corps dans mon âme d'auditeur. Une
offrande trouble, mais riche d'émotions et de sensations fortes, bouleversante aussi. Une déclaration de guerre à mes tortures mentales, qui dansent sur ce spleen musical coloré de cris postmodernes. C’est tout cela en huit titres et trente minutes. Beau, superbe, grandiose, magnifique album.
Tracklist
01 - Broken Wings
02 - Brown & Grey
03 - Waiting for the Shades
04 - Every Dream That I Make Takes Me Back to the Start
05 - Silent Homes
06 - Drama King
07 - Between the Store Shelves
08 - Rock'n'Roll Lies
11 avril 2025
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www.linktr.ee/drama22king
www.kizmiazrecords.bandcamp.com/mud&concrete
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